Le constat

L'héritage du passé

Avec l’essor de l’automobile, les petites voiries publiques ont largement été délaissées. Dans certaines communes wallonnes, c’est parfois plus de 80% du réseau initial qui a disparu. Les chemins et sentiers publics, jugés inutiles, parfois dérangeants ou un bon moyen de se faire de l’argent facile en les vendant, ont souvent été relégués au bas de la liste des priorités communales. Dans notre commune, en 50 ans, la population a augmenté de 38 %, la surface bâtie pour le logement s’est considérablement étalée, la surface de zoning commercial aussi et la plupart des ménages ont désormais deux, voire trois voitures. Ajoutez à cela le passage des véhicules des communes voisines et vous avez tous les ingrédients pour une asphyxie lente et généralisée du réseau routier.

Le résultat de cette évolution est visible chaque jour : des villages saturés de voitures, des places publiques devenues des parkings sans âmes, des routes locales inadaptées au trafic intense, aucune piste cyclable, une insécurité croissante pour quiconque décide malgré tout d’utiliser son vélo ou ses jambes et des files devant les écoles et les locaux des mouvements de jeunesse.

Loin d’anticiper et d’adapter sa politique pour favoriser une mobilité plus équilibrée et bienveillante envers les usagers faibles, le pouvoir communal s’est contenté de subir le phénomène et d’y remédier avec des solutions qui ne font qu’empirer la situation : répartir et diffuser au maximum la circulation automobile pour diminuer la pression. La spirale se nourrit d’elle-même : il y a trop de voitures pour laisser aller mon enfant seul à l’école ou aux scouts, il ne sera pas en sécurité et je vais donc aller le conduire en voiture…

Malheureusement, cette pression augmentant toujours, beaucoup de chemins ruraux ont été transformés en routes et le réseau de petites voiries a fondu comme neige au soleil. Plus de routes, c’est plus de voitures et donc plus de parkings. La saturation de la Nationale 5 n’explique pas tout et le problème se situe à tous les niveaux. Personne ne veut de E420, mais qui est prêt à changer ses habitudes ?

Ajoutez à cela l’accaparement de nombreux chemins et sentiers publics par des propriétaires peu scrupuleux et imperméables au concept de servitude publique, des élus passifs, voire complaisants au détriment de l’ensemble de la population. La saga du Laury en est un exemple emblématique. 

Il y a trop de voitures pour laisser aller mon enfant seul à l’école ou aux scouts, il ne sera pas en sécurité et je vais donc aller le conduire en voiture…

Une nouvelle mobilité

Mais, indéniablement, les temps changent : les enjeux de santé (9.000 morts par an à cause des particules fines en Belgique), de sécurité, climatiques ou encore touristiques nous imposent de lever le pied et d’envisager une répartition plus équilibrée de la mobilité. En 2012, le Bureau du Plan annonçait déjà qu’en 2030, le nombre de kilomètres parcourus par les Belges à pied et à vélo aura augmenté de quasi 70 % et c’est sans compter que depuis, les impératifs environnementaux se font et se feront de plus en plus exigeants au regard de l’évolution climatique alarmante.

La commune d’Ham-sur-Heure-Nalinnes à créé son échevinat de la mobilité en… 2018 ! Avec trente ans de retard, notre commune s’est aussi enfin décidée à réaliser un plan de mobilité. Espérons qu’elle en tirera les enseignements et adoptera une vision plus proactive et en phase avec son temps comme de nombreuses autres communes wallonnes l’ont déjà fait depuis les ’90. Il n’y a pas une seule solution miracle (toujours plus d’espace pour la voiture), mais bien un ensemble de solutions, d’aménagements et de pratiques multimodales.

Pour tous les déplacements de proximité comme l’école, la bibliothèque, la pharmacie, la supérette, la boulangerie, les activités sportives et culturelles, un bon réseau sera une alternative sécurisante au réseau routier.

« On est orgueilleux quand on a quelque chose à perdre, et humble quand on a quelque chose à gagner. »

Henry James

Sortir d’une ruralité fantasmée pour une réalité plus sereine

Sur les réseaux sociaux, beaucoup se plaignent de la perte du caractère rural de notre commune. Pourtant, le meilleur moyen de découvrir et profiter de cette ruralité, c’est d’utiliser les chemins et sentiers publics : ils donnent encore accès au paysage et à la nature en dehors des rubans de villas étalées le long de routes inadaptées au trafic lent.

Sur l’ensemble de la planète, 60% des milieux naturels ont été dégradés au cours des cinquante dernières années notamment à cause du manque de liaisons entre les habitats des espèces animales et végétales. Des chemins et sentiers publics aménagés en conséquence offrent la possibilité à ces espèces de pouvoir se déplacer sur un territoire trop souvent morcelé et de conserver une diversité génétique indispensable à leur survie. La sixième extinction massive des espèces, ce n’est pas seulement en Amazonie, c’est aussi quand on détruit une haie où quand on met des parcelles de forêt à blanc.

Le slogan éculé et un peu chauvin de notre commune est « La commune où il fait bon vivre ». Mais cette devise ne serait-elle pas plus juste si elle était complétée par le mot « ensemble » ? Pourquoi une personne fortunée peut-elle se permettre de faire tout ce qu’elle veut au détriment de l’usage et de la communauté ? Pourquoi un agriculteur doit-il se sentir obligé d’hurler comme si on lui arrachait le foie à mains nues quand on lui réclame de rétablir par la concertation un passage indispensable sur un sentier public ? Pourquoi les usagers des petites voiries doivent-ils se laisser menacer par des gardes-chasses se prenant pour des shérifs locaux, insulter par des propriétaires irascibles ? Pourquoi passent-ils systématiquement pour des enquiquineurs auprès de leurs représentants politiques dès lors qu’ils réclament simplement l’application de leurs droits ? Et pour être juste, pourquoi les riverains doivent-ils supporter les incivilités d’une minorité de sportifs ou de randonneurs ? Pourquoi des usagers paisibles doivent-ils supporter le passage et les dégâts des quads et des motos là où ils n’ont rien à y faire ?

N’est-il pas temps d’apaiser les esprits, de rétablir la confiance et le respect de et pour toutes et tous ? Nous vivons une situation sanitaire difficile qui déstabilise beaucoup d’entre nous. Dans ce contexte oppressant, le contact avec la nature et l’air pur devient un réflexe de survie. À l’issue de cette crise, qui n’espère pas secrètement un monde plus sain, plus beau, moins égoïste et plus durable ?