Le Laury, il y a bien longtemps…

Le

C’était dans les années 1930, je devais avoir 6 ou 7 ans, quand mon père me proposa de l’accompagner au « Laury ». J’étais heureux, je ne connaissais pas encore ce lieu, un peu inquiet cependant quand il prit son fusil de garde-chasse.

Et nous voilà partis, par le « Tienne Guerzouille », en un bel après-midi d’été. Au fond de « L’Amérique », nous pénétrons dans un sous-bois, au pied d’une haute colline ; après le petit ruisseau découlant d’une source, le sentier s’étire, en pente douce, au travers d’un long pré où paissent quelques vaches, sans autres clôtures que le bois et la rivière.

Non loin, j’aperçois une fermette qui s’intègre harmonieusement dans ce cadre de verdure, « Rossi c’est l’Laury » me dit mon père. Abandonnant sa brouette, un homme trapu et en sueur vient à notre rencontre et se met à converser avec mon père sur la vie à Beignée : du nouveau-né, du dernier mort, de la chasse, de la pêche… Délaissant leur conversation, je rejoins des enfants qui s’ébattent joyeusement dans le gué de la rivière.

Hélas, le soleil disparaît très vite derrière la crête du « Drimont ». Il est temps de rentrer et d’aller conter ma découverte à ma mère. À rebours nous reprenons le petit sentier, où les ombres s’installent et quelques lapins s’égaillent, le rendant encore plus attachant .

Tout était si beau ,si paisible ,si plein de poésie pastorale, en ce coin du « Laury » que j’en éprouve encore aujourd’hui, une nostalgie profonde en le faisant renaître dans la brume de ma mémoire.

Il n'y a pas si longtemps...

Lors d’une visite à Willy Bal, écrivain, poète, linguiste de renom, nous évoquions, comme toujours dans notre savoureux wallon, le souvenir de quelques romanciers qui, comme lui, avaient chanté « la NATURE et la TERRE » : Ramuz, Giono, Péguy… Et tout naturellement, il se mit à me conter quelques pages de sa jeunesse au « Drimont » et au Laury

Dégringolant la « Ruwelle Baret », à deux pas de chez lui, il descendait souvent, me dit-il, jouer au « Laury », au bord de la rivière et plus tard pour y rencontrer : Gustave Du Landa et ses 50 pommiers, Angèle la garde-barrière du tunnel et ses dindons, Raoul Mollet et son épouse Andrée Simon les accueillants fermiers du « Laury », à la porte toujours ouverte comme souvent dans les plus humbles chaumières. Il me parla aussi du garde-chasse, d’un braconnier, surtout du bûcheron qu’il aurait voulu être.

Il me mena encore en pensées, par un joli sentier, à la source de la « Pich’lotte » puis au « Laurichou » petit bois pentu faisant limite entre Beignée et Jamioulx où on taillait « l’ourette » et où les amoureux aimaient courir le soir pour y cueillir les fleurs du printemps de la vie.

J’ai partagé ce jour-là, des moments de belles souvenances, de ces lieux pastoraux bien connus des « Lotcheus et des Beigntis ». Avec nostalgie teintée de poésie, Willy Bal, homme érudit, simple et chaleureux, gardait comme moi, un attachement profond au terroir de son village « Djanmiou » et à ses « tayons et ratayons » (ancêtres) comme il aimait souvent le dire.

Après d’éphémères illusions, il aurait été bien triste, comme moi, aujourd’hui, en sachant « son Laury » meurtri et devenu fief interdit. Nous nous serions quittés, en pensant « Aux neiges d’antan … » de François Villon et nous disant, en vieux révoltés nostalgiques
« les temps ont bien changé… depuis qu’un… ! ».

J’éprouve toujours beaucoup d’émotion en relisant le chapitre « Willy Bal conteur et la tradition populaire wallonne » que sa fille Françoise lui consacre dans le bel ouvrage, édité en 2018 « Hommage à WILLY BAL (1916-2013) en son village de Jamioulx ».

Et maintenant...

Effectivement « ... où sont les neiges d’antan ? » depuis qu’un homme bien mis et riche, venu de la ville, a racheté la ferme tristement délabrée du « Laury » ?

Les nostalgiques se sont d’abord réjouis de sa réhabilitation et de la vie qui allait renaître tout autour en ces lieux bucoliques. Une inquiétude se mit cependant à grandir en apprenant, au fil du temps que cet homme voulant vivre tranquille :

  • marchandait l’achat des terrains environnants ;
  • déplaçait des clôtures et barricadait l’entrée de bois À L’INSU des propriétaires ;
  • construisait une passerelle (la seule à des lieues à la ronde, je pense) pour détourner notre joli sentier fréquenté aussi par les randonneurs des GR 12 (AMSTERDAM – PARIS) et 129 (BRUGES-ARLON) ;
  • clôturait sa propriété par des barrières cadenassées, des caméras…

Mais ce qui m’irrite le plus, personnellement, c’est que ce Monsieur a mangé la parole qu’il m’avait donnée au restaurant « Le Hussard » où nous l’avions invité et trouvé ensemble un arrangement en vue de préserver SA tranquillité. Il n’est jamais venu sur le pré pour consolider cet accord comme il me l’avait promis et ce malgré mes aimables rappels, mais avait négocié sournoisement le droit de pêche avec le riverain, spoliant ainsi une quarantaine de pêcheurs y taquinant la truite depuis des décennies (j’ai d’ailleurs eu l’opportunité de lui reprocher verbalement son comportement quand il s’est arrêté pour m’interpeller sur la pétition que je tenais en main. Ne l’ayant pas reconnu, j’ai d’abord cru qu’il voulait la signer !

Et pourtant, Monsieur Depasse, comme vous le regrettez d’ailleurs dans votre courriel adressé à certains de mes contacts et du « CHAT » (que vous avez piratés)  vous auriez pu devenir un citoyen d’Ham-sur-Heure respecté de tous, en faisant preuve d’écoute, de compréhension et de dialogue et non pas d’une politique de fait accompli, teintée d’une arrogance de nanti, ivre de possessions foncières au détriment de villageois bien ancrés dans le terroir de leurs anciens avec leurs us et coutumes.

Léon Baret

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